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S’acquitter d’un mandat symétrique à l’aide d’outils asymétriques : la politique monétaire dans un contexte de bas niveau des taux d’intérêt

Discours de M. Mario Draghi, président de la BCE, prononcé lors de la cérémonie du 200e anniversaire de la Banque nationale d’Autriche, à Vienne, le 2 juin 2016

Il y a exactement deux cents ans aujourd’hui que l’empereur François Ier publiait deux décrets impériaux conférant à la Banque nationale d’Autriche le droit exclusif d’émettre des billets de banque et de stabiliser les finances de l’Empire. De fait, l’Europe prenait de plus en plus conscience du rôle clé que les banques centrales pouvaient jouer pour la sauvegarde de la stabilité monétaire.

En 1816, stabilité monétaire signifiait, en Autriche, la maîtrise de la monnaie dans le sillage des coûteuses guerres napoléoniennes.

Au cours des deux siècles écoulés depuis, le prix de l’instabilité s’est fait sentir durement à travers les effets dévastateurs de l’inflation excessive, avec par exemple la hausse annuelle des prix de 1 400 % enregistrée ici au début des années 1920 mais aussi avec les terribles conséquences de la déflation dans les années 1930.

C’est la raison pour laquelle la plupart des banques centrales modernes ont pour mandat de maintenir la stabilité des prix. C’est aussi pourquoi les législateurs ont rendu ce mandat symétrique, les banques centrales devant lutter avec autant de vigueur contre une inflation persistante inférieure ou supérieure aux objectifs.

S’agissant de la BCE, notre objectif est de maintenir l’inflation à un niveau inférieur à, mais proche de 2 % à moyen terme. À l’heure actuelle, il s’agit de faire remonter l’inflation vers les 2 %. Tel est l’objectif des séries de mesures adoptées ces dernières années, avec des taux directeurs devenant négatifs, les achats massifs d’actifs et la possibilité de refinancement à plus long terme accordée aux banques selon certaines conditions.

Raisons pour lesquelles une inflation de 2 % est un bon objectif en matière de politique monétaire

Si notre objectif est d’éviter un taux excessif tant en ce qui concerne l’inflation que la déflation, pourquoi ne pas se fixer un objectif d’inflation de 0 % ? La réponse tient dans l’interdépendance qui existe entre le taux d’inflation que nous visons et notre capacité à stabiliser les prix. En d’autres termes, une inflation qui se maintient à un taux de 2 % constitue en elle-même un amortisseur de chocs qui nous permet d’assurer la stabilité. Plusieurs raisons expliquent cela mais permettez-moi d’en mentionner deux en particulier.

D’une part, un niveau d’inflation légèrement positif facilite l’ajustement des prix relatifs, ce qui contribue à empêcher les chocs à court terme de se transformer en perturbations plus durables. Cela résulte du fait que, même dans les économies présentant une plus grande flexibilité, les salaires nominaux et les prix sont « rigides » et lents à s’ajuster à la baisse.

Dans un tel contexte, lors d’un recul de la demande, l’inflation de 2 % permet aux salaires réels de s’ajuster à la baisse même si ce n’est pas le cas des salaires nominaux. Cela contribue à maintenir le chômage à un niveau plus bas que celui qui aurait été normalement atteint et empêche que les conséquences du ralentissement de l’activité économique durent plus longtemps que nécessaire, par exemple par la dépréciation du capital humain des chômeurs, provoquant une hausse permanente du chômage structurel.

Ce qui est vrai au sein de chaque économie l’est également d’une région à l’autre, et c’est particulièrement le cas dans une union monétaire regroupant plusieurs pays, telle que la zone euro. Un objectif d’inflation de 2 % signifie que les pays moins compétitifs peuvent réduire leurs coûts et leurs prix par rapport à la moyenne de la zone, ce qui leur permet de retrouver leur compétitivité sans conséquences déstabilisatrices.

Le besoin d’un tel coussin a été reconnu explicitement par le Conseil des gouverneurs en 2003 lorsque nous avons clarifié notre définition de la stabilité des prix[1]. Cela a favorisé depuis l’ajustement, si nécessaire, de la compétitivité des pays. Dans un premier temps, l’objectif de 2 % a permis à certaines grandes économies de réduire leurs prix relatifs sans trop de difficultés, alors que d’autres économies « engagées dans un processus de rattrapage » affichaient des taux d’inflation supérieurs et faisaient remonter la moyenne de la zone. Aujourd’hui, les positions de ces groupes se sont inversées mais le principe de base reste exactement le même.

La deuxième raison pour laquelle l’objectif de 2 % favorise l’absorption des chocs est qu’il soutient la mise en œuvre de la politique monétaire dans des conditions difficiles. Un petit coussin positif donne une marge de manœuvre accrue pour soutenir l’économie par une réduction des taux d’intérêt nominaux et réduit la probabilité d’atteindre le plancher effectif.

Cela est dû au fait que, pour un taux d’intérêt réel d’équilibre donné, un objectif d’inflation plus élevé implique des taux nominaux supérieurs sur la durée du cycle. Conformément aux résultats de travaux de recherche approfondis, les simulations de la BCE réalisées en 2003 indiquaient qu’un objectif de 2 % réduirait sensiblement la probabilité que les taux nominaux approchent de zéro[2]. Cela a été aussi reconnu par le Conseil des gouverneurs comme une raison de viser un niveau plus proche de 2 %[3].

Ce qui était vrai à l’époque est devenu encore plus pertinent aujourd’hui. Les études réalisées en 2003 se basaient sur un taux d’intérêt réel d’équilibre de près de 2 %, si bien qu’avec un objectif d’inflation de 2 %, le taux nominal d’équilibre serait d’environ 4 %. Il semblerait cependant que le niveau élevé de l’épargne pour des raisons démographiques et la faible croissance de la productivité ont entraîné une baisse des taux réels d’équilibre[4]. Il est par conséquent plus important que jamais aujourd’hui de viser une inflation de 2 % afin d’assurer que les taux d’intérêt nominaux ne s’approchent pas du niveau plancher.

Il convient toutefois de souligner que la baisse des taux réels n’est en aucun cas prédéterminée. Elle peut être inversée, au moins en partie, par des réformes structurelles qui relèvent les taux de productivité et de participation. En accroissant le potentiel de projets d’investissement rentables et en réduisant le besoin d’épargne de précaution, de telles mesures augmenteraient le taux réel d’équilibre, toutes choses égales par ailleurs.

Raisons pour lesquelles l’objectif doit être symétrique

Tout cela justifie le niveau de notre objectif d’inflation sur la durée. Il est tout aussi important cependant que nous adoptions une approche symétrique dans la poursuite de notre objectif.

La politique monétaire opère dans une large mesure en orientant les anticipations, un processus qui déclenche un ensemble de stabilisateurs automatiques dans l’économie. À titre d’exemple, si les marchés s’attendent à ce que les banques centrales répondent à des chocs négatifs en renforçant l’orientation accommodante de la politique monétaire, les taux d’intérêt réel diminueront immédiatement en cas de choc réel puisqu’il est tenu compte de la fonction de réaction de la banque centrale. Cela entraînera à son tour une hausse de la consommation et des investissements, ce qui contribuera à compenser le choc initial.

Ce mécanisme dépend fortement de la double crédibilité de la banque centrale, celle-ci devant être déterminée à lutter aussi bien contre une inflation trop faible que contre une inflation trop élevée.

Cela est vrai de manière générale, mais l’est d’autant plus dans les circonstances particulières auxquelles nous sommes confrontés au sortir de la crise, une situation dans laquelle la dette privée est élevée et les taux d’intérêt directeurs sont proches du plancher. Dans ces conditions, toute perception selon laquelle la banque centrale pourrait tolérer des écarts persistants à la baisse de l’inflation serait particulièrement coûteuse.

Cela susciterait tout d’abord un désancrage des anticipations d’inflation qui provoquerait une hausse mécanique des rendements réels. L’effet de contraction qui en résulterait ne pourrait être compensé par une baisse supplémentaire des taux directeurs. Avec des encours de dettes nominaux fixes, une baisse de l’inflation occasionnerait une redistribution des emprunteurs vers les créanciers, ce qui prolongerait le surendettement et aggraverait le ralentissement étant donné les différentes propensions à consommer et à investir des deux groupes. Il ne s’agit pas de relever les objectifs d’inflation dans la mesure où cela n’engendrait qu’une redistribution dans l’autre direction. Mais il s’agit d’un argument incitant les banques centrales à atteindre leurs objectifs.

Cependant, alors que notre mandat est symétrique et que notre engagement en faveur de notre mandat est symétrique, les outils que nous pouvons utiliser pour l’accomplir présentent une asymétrie liée à l’existence d’un niveau plancher des taux d’intérêt.

Lorsque l’inflation est trop élevée, nous avons toujours la possibilité de relever les taux d’intérêt à un niveau permettant de réduire la demande et, in fine, les prix. L’expérience passée étayant largement cette approche, notre crédibilité repose uniquement sur un paramètre : notre volonté de lutter contre toute inflation excessive. Notre capacité à agir dans ce sens est considérée comme acquise.

Lorsque l’inflation est trop faible, en revanche, les taux d’intérêt ne peuvent être réduits de manière illimitée en raison de l’existence d’un substitut non rémunéré des dépôts bancaires sous la forme d’espèces. Étant donné que nous n’avons pas l’intention de supprimer les espèces, les banques centrales luttant contre une inflation trop faible peuvent être amenées à recourir à d’autres outils que les taux directeurs, ce que l’on appelle souvent les outils « non conventionnels ». Cela est nécessaire pour assurer la stabilité des prix mais comporte également des complications supplémentaires.

Tout d’abord, les politiques non conventionnelles supposent que nous opérions sur un plus grand nombre de marchés, ce qui implique un risque d’effets de distorsion indésirables inévitablement plus important que lorsque nous recourons aux outils conventionnels. Est-ce que cela signifie que nous devrions nous abstenir de les utiliser lorsqu’ils sont nécessaires pour restaurer la stabilité des prix, comme c’est le cas aujourd’hui ? La réponse est clairement non, car nous opérons dans un cadre de dominance monétaire. Notre mission n’est pas de maximiser les chances d’assurer la stabilité des prix sous la contrainte de ne pas créer d’effets secondaires. La politique monétaire a toujours des effets secondaires. Et nous ne sommes pas libres de choisir de ne pas nous acquitter de notre mandat.

Dans la poursuite de notre mandat, cependant, nous devons essayer de minimiser autant que possible les effets de distorsion. Et c’est exactement ce que nous avons fait en concevant nos mesures. C’est l’une des raisons pour lesquelles, par exemple, nous avons concentré nos achats d’actifs sur les titres les plus largement échangés tels que les obligations d’État. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons réorienté le poids relatif assigné aux taux au profit d’autres instruments afin d’éviter autant que possible les effets défavorables non désirés pour le secteur bancaire.

Une deuxième complication liée aux politiques non conventionnelles tient au fait que le public, inévitablement, connaît moins bien leurs canaux de transmission et leurs effets. Cela est compréhensible puisque nous avons peu appliqué ces politiques par le passé. Le nombre des travaux de recherche sur les effets de ces politiques à la disposition du public augmente rapidement. À l’instar d’autres banques centrales, nous avons mené des études empiriques considérables afin de calibrer notre relance monétaire.

Et je suis persuadé qu’avec le temps notre expérience acquise avec les outils non conventionnels comblera ce déficit de connaissances. N’oublions pas que la capacité des banques centrales à maîtriser une forte inflation était également mise en doute par le passé, notamment dans les années 1970, jusqu’à ce que les données empiriques mettent fin au débat. Mais aujourd’hui, les banques centrales doivent démontrer qu’il n’y a pas de discontinuité lorsque les taux d’intérêt sont à zéro, les mesures non conventionnelles peuvent fonctionner aussi bien que les mesures conventionnelles.

Comment la politique monétaire non conventionnelle fonctionne-t-elle ?

Pourquoi en est-il ainsi ? La politique monétaire conventionnelle opère en pilotant les taux d’intérêt réels du marché monétaire vers un niveau inférieur au taux d’intérêt réel d’équilibre en vigueur, ce qui stimule la demande et l’inflation. Mais lorsque ce taux d’équilibre est si bas que la banque centrale ne peut ramener son taux directeur à un niveau qui soit suffisamment en deçà de ce taux d’équilibre, la capacité à accroître le degré de relance monétaire en modifiant les taux à court terme se réduit. Toutefois, dans ces conditions, les outils non conventionnels peuvent encore être efficaces.

En réalité, de nombreux taux d’intérêt influencent l’épargne et l’investissement dans l’ensemble de l’économie. Il existe en fait une palette de taux qui s’appliquent à différentes échéances, à différentes catégories d’instruments financiers, à différents emprunteurs et prêteurs. Ainsi, même sans modifier sensiblement ses taux directeurs, la banque centrale a encore la possibilité de stimuler l’économie en abaissant le niveau de ces taux d’intérêt. Cela peut être efficace en toutes circonstances, mais surtout lorsque les primes de risque ont augmenté en raison de la fragmentation du marché et d’incertitudes injustifiées.

Tenant compte de cet élargissement du mécanisme de transmission de la politique monétaire, nous avons mis en œuvre une stratégie à trois volets afin d’apporter un soutien supplémentaire à l’économie de la zone euro.

En premier lieu, en vertu de notre stratégie consistant à fournir des indications sur la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs (forward guidance), nous pouvons abaisser les taux d’intérêt à long terme en orientant les anticipations portant sur le niveau futur des taux à court terme. La possibilité ainsi créée que les taux directeurs deviennent négatifs a également contribué à l’aplatissement général de la courbe des rendements, en éliminant le biais à la hausse sur les rendements engendré par la perception selon laquelle les taux ne pouvaient que monter. De fait, nous avons déclaré sans ambiguïté que les taux directeurs resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas sur une période prolongée.

Deuxièmement, nos achats d’actifs nous aident à abaisser encore les rendements sur l’ensemble des échéances et des catégories d’actifs en comprimant les primes de risque sur les marchés où nous intervenons. Cette évolution entraîne un rééquilibrage des portefeuilles au détriment de ces marchés et réduit les coûts d’emprunt pour l’ensemble des taux, produisant ainsi un effet stimulateur généralisé. S’y ajoute le taux négatif de notre facilité de dépôt, qui accélère le processus de réallocation d’actifs et renforce les pressions à la baisse s’exerçant sur les coûts de financement.

Point important, cette impulsion se fait sentir au sein de l’économie indépendamment de son mode de financement, que celui-ci se caractérise par une prédominance des banques ou des marchés financiers. À l’instar de tout investisseur, les banques doivent évaluer le rendement du capital corrigé de l’incidence du risque lors de l’allocation d’actifs, et le rendement des obligations d’État sans risque constitue généralement la référence utilisée. Ainsi, comme nous achetons des obligations d’État, nous réorientons le calcul en faveur des prêts à l’économie réelle en comprimant le rendement des titres que nous acquérons et en améliorant les perspectives économiques, réduisant ainsi les risques inhérents aux prêts.

Cette démarche est également confortée par le troisième volet – à savoir nos opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO) – qui vise spécifiquement à stimuler les prêts bancaires au secteur privé. Alors que l’objectif initial des TLTRO était d’améliorer le processus de transmission monétaire, de nouveaux recalibrages l’ont rendu progressivement plus expansionniste. En vertu des règles que nous avons instaurées en mars de cette année, les banques respectant certaines références applicables à leurs prêts pourront emprunter ex post auprès de la BCE à des taux négatifs, ce qui propage les effets de notre politique monétaire conventionnelle plus directement à l’économie.

Politique monétaire et reprise économique

Au cours des deux années qui ont suivi le lancement de l’ensemble de mesures que nous avons décidées, nous avons pu en observer concrètement les effets.

Les études de cas menées par les experts de la BCE montrent que nos mesures ont eu une incidence majeure sur les obligations souveraines à long terme et que les répercussions sur les rendements d’autres catégories d’actifs ont été également significatives, notamment pour les obligations émises par des sociétés financières et non financières de la zone euro[5]. Il ressort aussi de notre analyse que nos mesures ont exercé des effets directs importants sur les taux débiteurs bancaires ainsi qu’une incidence indirecte notable sur les conditions de distribution du crédit à travers leurs répercussions marquées sur les rendements des emprunts publics à long terme[6].

L’amélioration des conditions de financement s’est traduite par une accélération de la croissance et de l’inflation. Les modèles élaborés par l’Eurosystème montrent que, sans nos mesures de politique monétaire, l’inflation serait négative depuis 2015. En 2016, elle serait inférieure d’au moins un demi-point de pourcentage à notre prévision actuelle et, pour 2017, cette différence serait d’environ un demi-point de pourcentage. Et, selon les estimations, l’incidence de nos mesures sur le PIB de la zone euro devrait être appréciable, contribuant à faire progresser la production d’environ 1,5 % au cours de la période 2015-2018[7].

Les données les plus récentes montrent que ces effets positifs ne se renforcent qu’au fur et à mesure que nos mesures se répercutent progressivement sur l’économie. La zone euro continue de bénéficier d’une reprise de l’activité tirée par la demande intérieure, et nous observons que notre politique soutient cette évolution, comme en témoignent les composantes de la demande qui sont particulièrement sensibles aux conditions de financement, à savoir la consommation de biens durables et l’investissement.

L’an dernier, après s’être contractée pendant plusieurs années, la croissance de la consommation de biens durables dans la zone euro a fait un bond, d’une vigueur qui n’avait plus été observée depuis fin 2006. La contribution de la formation de capital fixe à la croissance, qui était exceptionnellement faible depuis le début de la reprise en 2013, s’est, elle aussi, raffermie progressivement. Et au dernier trimestre 2015 – période sur laquelle portent les observations les plus récentes, comportant une ventilation complète par composantes –, l’investissement a supplanté la consommation en tant que principal facteur de la croissance.

La reprise a également résisté à un recul de la demande extérieure lié au ralentissement marqué du commerce mondial. Au cours des vingt dernières années, le taux de croissance du commerce mondial n’a été plus faible que celui enregistré l’an dernier qu’a deux reprises : au lendemain de l’éclatement de la bulle Internet au début des années 2000, et à nouveau en 2009 à la suite de la faillite de Lehman Brothers. Ces deux épisodes ont été marqués par une forte décélération de la croissance dans la zone euro, qui est tombée à un niveau proche de, ou inférieur à zéro. En 2015, toutefois, la chute brutale des échanges commerciaux n’a pas entraîné de ralentissement de l’activité dans la zone euro. De fait, la croissance annuelle s’est même accélérée tout au long de 2015, en dépit de la chute des importations mondiales.

Cette évolution s’explique en partie par le renforcement de la capacité de résistance de l’économie domestique. Mais les exportateurs de la zone euro ont pu également reconquérir des parts de marché dans le monde, après une longue période durant laquelle ils avaient perdu du terrain. Là aussi, la politique monétaire a été un facteur essentiel permettant d’expliquer cette résistance atypique des exportations de la zone euro.

Point important, ces effets positifs de nos mesures ne se sont pas accompagnés de distorsions significatives susceptibles de réduire à néant l’analyse coût-avantage – par exemple en étant excessivement préjudiciables à la rentabilité des banques et en ayant ainsi des répercussions néfastes sur le principal canal de transmission de notre politique monétaire. Cela tient en partie aux modalités de conception de nos instruments, comme je l’ai mentionné plus haut. Mais il est clair que la meilleure manière de garantir qu’il en soit toujours ainsi est de revenir rapidement à notre objectif.

Ce point a été parfaitement mis en évidence par le président du Système fédéral de réserve, Paul Volcker, après qu’il eut relevé fortement les taux en 1980. Il s’est exprimé ainsi : « Je suis inquiet au sujet de ces institutions financières, et la pire chose qui puisse leur arriver est [que nous ne réussissions pas] qu’elles ne réussissent pas à accomplir [notre] leur mission et à obtenir une inflexion du taux d’intérêt assez rapidement. Mais ce n’est pas en précipitant le mouvement que nous l’obtiendrons »[8].

C’est aussi notre position. Comme le Conseil des gouverneurs l’a souligné aujourd’hui, la dynamique de la reprise économique dans la zone euro continue d’être soutenue par notre politique monétaire. Cela favorise le retour de l’inflation vers les 2 %.

Nous sommes sur la bonne voie, mais rien ne doit être considéré comme acquis. Le Conseil des gouverneurs suivra attentivement l’évolution des perspectives en matière de stabilité des prix et agira, le cas échéant – comme il l’a toujours fait –, en utilisant tous les instruments à sa disposition dans le cadre de son mandat pour atteindre son objectif.

  1. [1]Cf. Evaluation of the ECB’s monetary policy strategy

  2. [2]Coenen, G. (2003), Zero lower bound: is it a problem in the euro area?, Working Paper Series (document de travail) n  269, BCE, septembre 2003.

  3. [3]Cf. Evaluation of the ECB’s monetary policy strategy

  4. [4]Cf. le discours d’ouverture de M. Mario Draghi intitulé Traiter les causes de la faiblesse des taux d’intérêt, lors d’une table ronde sur Le futur des marchés financiers : une vision changeante de l’Asie, tenue dans le cadre de la Réunion annuelle de la Banque asiatique de développement, à Francfort-sur-le Main, le 2 mai 2016.

  5. [5]Pour une présentation plus détaillée de la méthodologie sous-tendant ces estimations, cf. BCE (2015), The transmission of the ECB’s recent non-standard monetary policy measures (La transmission des récentes mesures non conventionnelles de politique monétaire de la BCE - disponible en français sur le site Internet de la Banque de France), Bulletin économique, n° 7, 2015.

  6. [6]Altavilla C., G. Carboni, R. Motto (2015), Asset purchase programmes and financial markets: lessons from the euro area, ECB Working Paper (document de travail de la BCE), n° 1864.

  7. [7]Pour plus d’informations concernant la méthodologie sous-tendant cette analyse, cf. Praet, P. (2016), The ECB’s monetary policy response to disinflationary pressures (La réponse de la politique monétaire de la BCE face aux pressions désinflationnistes), discours prononcé lors de la conférence intitulée ECB and Its Watchers XVII Conference organisée par le Center for Financial Studies, Francfort, 7 avril 2016.

  8. [8]Cf. le Transcript of the Federal Open Market Committee Meeting of March 18, 1980.

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