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Grandes tendances pour l'économie de la zone euro et ses marchés financiers

Allocution de M. Christian Noyer Vice-président de la Banque centrale européenne, à la Cérémonie de remise des Victoires des SICAV Paris, le 24 février 2000

Je suis très heureux de parler aujourd'hui devant cette assistance distinguée de gestionnaires de fonds, et d'être un témoin de la récompense de l'excellence dans le domaine de l'innovation financière. Je suis convaincu que le processus d'innovation financière en général, tel qu'on le célèbre dans la cérémonie de ce soir, mérite une attention toute particulière. La raison en est que les progrès réalisables dans le fonctionnement des marchés financiers doivent en fin de compte permettre d'améliorer l'allocation des ressources financières dans l'économie, ce qui doit par suite être favorable à une croissance économique équilibrée sur le moyen terme.

1. Grandes tendances pour l'économie de la zone euro en l'an 2000

Dans la première partie de mon intervention d'aujourd'hui, j'aimerais aborder la question des grandes tendances monétaires, économiques et financières dans la zone euro en l'an 2000. Je vais examiner cette question par rapport à la grille d'analyse que constitue la stratégie de politique monétaire de l'Eurosystème.

L'objectif primordial de l'Eurosystème est de maintenir la stabilité des prix sur le moyen terme. La stabilité des prix est définie comme une progression annuelle de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) de moins de 2%. L'évaluation, dans le contexte de la stratégie de politique monétaire, des risques pour la stabilité des prix se fonde sur deux piliers. Premièrement, une valeur de référence fixée à 4½% pour le taux de croissance de l'agrégat monétaire large M3; deuxièmement, une évaluation, reposant sur une large gamme d'indicateurs, des perspectives d'évolution des prix et des risques pour la stabilité des prix dans l'ensemble de la zone euro. Pour commencer, considérons le premier pilier de cette stratégie. En 1999, la moyenne glissante sur trois mois du taux de croissance annuel de M3 est restée continûment au-dessus de la valeur de référence. Au cours des derniers mois, la progression des agrégats monétaires comme la progression du crédit au secteur privé ont signalé que les conditions de liquidité étaient généreuses dans la zone euro et ont été considérées comme indiquant des risques à la hausse pour la stabilité des prix.

J'aimerais maintenant aborder le second pilier de la stratégie de politique monétaire, c'est-à-dire une évaluation, reposant sur une large gamme d'indicateurs, des perspectives d'évolution des prix et des risques pour la stabilité des prix dans l'ensemble de la zone euro. Divers indicateurs macro-économiques disponibles pour la zone euro indiquent une accélération marquée de la croissance en l'an 2000. Ces projections de l'activité économique dans la zone euro reposent à la fois sur des facteurs externes à la zone euro, avec une accélération prévue de l'activité au niveau global, et sur des facteurs internes à la zone euro. Au moment même où le retournement de conjoncture commençait à se faire sentir, toutefois, le taux de progression des prix à la consommation a augmenté d'une façon relativement importante et prolongée. Cette évolution a surtout traduit l'incidence de l'augmentation considérable des prix du pétrole au cours de l'année 1999 ainsi que l'augmentation des prix à l'importation résultant de la poursuite de la dépréciation du taux de change effectif de l'euro. Ces augmentations des prix du pétrole et des prix à l'importation ont conduit à une situation où les risques d'effets " de second tour " sur la progression des prix à la consommation étaient de plus en plus importants.

Par rapport au premier pilier et au second pilier de la stratégie, les évolutions de ces derniers mois ont conduit le Conseil des gouverneurs de la BCE à augmenter les taux d'intérêt. Le taux d'intérêt sur les opérations principales de refinancement a ainsi été porté à 3% le 4 novembre 1999 et à 3,25% le 3 février 2000. Le relèvement des taux d'intérêt au vu des évolutions que je viens de décrire doit contribuer à ce que la reprise conjoncturelle actuellement en cours dans la zone euro soit à la fois robuste et durable, parce qu'elle prendra place dans un contexte de stabilité des prix sur le moyen terme.

Au cours des prochains mois, il importe particulièrement que les partenaires sociaux veillent à ce que les augmentations de salaires restent compatibles avec la stabilité des prix et soutiennent la poursuite de la croissance de l'emploi. Le taux de chômage dans la zone euro a diminué en 1999 mais reste relativement élevé. Une réduction durable du chômage ne pourra être réalisée que si des progrès suffisants sont accomplis dans des réformes structurelles visant à promouvoir la flexibilité du marché du travail, à offrir des emplois aux travailleurs peu qualifiés et à faciliter le retour sur le marché du travail des chômeurs de longue durée. Par ailleurs, les perspectives de croissance dans la zone euro sur le moyen terme devraient certainement bénéficier de l'aboutissement et de l'approfondissement des réformes structurelles visant à promouvoir la concurrence sur les marchés des biens et des services.

2. Marchés financiers de la zone euro

Des réformes structurelles visant à promouvoir la concurrence apparaissent également nécessaires en ce qui concerne les marchés financiers de la zone euro. Ces réformes devraient contribuer à une amélioration progressive du fonctionnement de marchés financiers intégrés au niveau de la zone euro. En outre, la BCE a un intérêt évident à ce que les marchés financiers fonctionnent bien et d'une manière efficace, dans la mesure où les marchés financiers sont le canal de transmission des décisions de politique monétaire dans l'économie.

J'aimerais d'abord examiner le cas du marché monétaire. En 1999, une part importante de l'ensemble des transactions sur le marché monétaire de la zone euro s'est effectuée au-delà des frontières nationales. Le marché monétaire a clairement bénéficié de la création d'une ossature robuste et fiable de systèmes de paiement interbancaires, avec notamment le système de règlement brut en temps réel TARGET, qui est géré par le Système européen de banques centrales (SEBC). Le marché monétaire de l'euro possède par ailleurs des références quotidiennes de taux d'intérêt clairement établies, notamment les indices EONIA pour les transactions au jour le jour et EURIBOR pour les transactions à plus long terme. Toute une gamme d'instruments est bâtie sur ces références, notamment les contrats à terme (futures), options et contrats d'échange (swaps) de taux courts. Les intervenants ont ainsi la possibilité de gérer leur trésorerie d'une manière efficace et à des coûts relativement bas. Des améliorations importantes restent néanmoins à réaliser, notamment par exemple en ce qui concerne le marché de la pension. Une intégration plus poussée du marché de la pension au niveau de la zone euro devrait être possible notamment par la mise en place de plateformes communes de compensation et de règlement-livraison des titres utilisés comme nantissement dans les opérations de pension.

Tournons-nous maintenant vers le marché obligataire de la zone euro. Là aussi, les observations disponibles pour 1999 semblent indiquer que le marché est d'ores et déjà relativement bien intégré au niveau de la zone euro. Comme le montrent les nouvelles statistiques de la BCE dans ce domaine, les montants nets d'obligations émises par les émetteurs du secteur privé ont augmenté d'une manière conséquente en 1999. Dans une certaine mesure, cette évolution semble liée à la progression des les activités de fusions et d'acquisitions des entreprises. En outre, les volumes traités sur le marché secondaire ainsi que sur les marchés dérivés de taux longs ont aussi semblé augmenter en 1999. Dans ce contexte, les intervenants de marché les plus sophistiqués semblent être en mesure de prendre assez facilement des positions sur l'ensemble de la courbe des taux, contribuant ainsi à la formation de prix représentatifs et fiables pour l'ensemble des instruments disponibles sur le marché obligataire. Ces observations tendent à démontrer que le marché obligataire de la zone euro est devenu un marché relativement profond et liquide.

Un certain nombre de progrès peuvent cependant être accomplis afin de constituer des marchés obligataires aussi efficaces que possible dans la zone euro.

Dans la période précédant le début de la Phase III de l'Union économique et monétaire, on avait pu observer une augmentation importante de la taille des portefeuilles de titres obligataires de chaque pays détenus par des résidents des autres pays de la zone euro. Cette évolution était concomitante de la réduction des écarts de taux d'intérêt entre les pays, en raison notamment de l'élimination attendue des risques de change à l'intérieur de la zone euro. Suite à la création de l'euro, les investisseurs sur le marché obligataire ne sont naturellement plus préoccupés par les risques de change à l'intérieur de la zone euro. En revanche, ils semblent s'attacher à l'évaluation de la qualité intrinsèque de la signature de chaque émetteur. Ainsi, l'évaluation de la qualité des signatures et le développement d'une "culture des risques de crédit", qui constituent des ingrédients importants de la composition d'un marché obligataire actif et ouvert, devraient s'approfondir encore davantage, en partie comme conséquence de la création de l'euro. Les activités des agences de notation permettent de définir des critères communs d'évaluation et de classement des signatures des emprunteurs et des émetteurs. A cet égard, on a d'ailleurs noté que la part des signatures de second rang dans les nouvelles émissions obligataires libellées en euros, bien que toujours limitée, avait eu tendance à augmenter en 1999. Sur le moyen terme, dans le contexte de la poursuite du développement d'une "culture des risques de crédit", on peut donc s'attendre à ce que le marché obligataire de la zone euro devienne de plus en plus diversifié, notamment en ce qui concerne les types d'émetteurs actifs sur ce marché, et attire davantage d'émetteurs privés.

Les observations que je viens de faire sur les marchés obligataires sont généralement applicables au marché des actions. En particulier, la création d'un ensemble de nouveaux indices boursiers couvrant l'ensemble de la zone euro donne une indication claire des progrès accomplis dans l'intégration des marchés d'actions de la zone euro. L'augmentation notable des volumes de transactions liées à l'utilisation de ces indices indique que les intervenants sur les marchés financiers prennent de plus en plus en compte les facteurs économiques communs à l'ensemble des sociétés de la zone euro. Cette intégration du marché des actions au niveau de la zone euro signifie que les émetteurs de la zone euro, comme dans le cas du marché obligataire, ont un accès privilégié à un grand nombre d'investisseurs par l'intermédiaire d'un grand marché ouvert. Ces perspectives ne sont sans doute pas étrangères au développement rapide de segments de marché réservés à des sociétés relativement petites ou récentes, notamment dans le cadre de ce qu'on appelle les "nouveaux marchés".

Je voudrais conclure ce bref exposé des grandes tendances dans les marchés financiers de la zone euro en mentionnant l'émergence - encore timide - de nouvelles places de marché actives sur le réseau Internet. Il semble que les places de marché sur Internet aient un potentiel suffisant pour couvrir un vaste ensemble d'activités, à la fois sur ce qu'on appelle le marché primaire pour les nouvelles émissions de titres et sur le marché secondaire. L'un des avantages de ces nouvelles places de marché est qu'elles sont accessibles à un très grand nombre d'utilisateurs dans la mesure où elles bénéficient d'un réseau de communication existant, le réseau Internet. En outre, les nouvelles places de marché sur Internet semblent également se caractériser par un degré élevé d'automatisation des processus de transaction. Ces facteurs devraient permettre une réduction des coûts de transaction et, plus généralement, contribuer à améliorer le fonctionnement des marchés financiers.

Je vous remercie de votre attention.

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