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Document 52017AB0038

Avis de la Banque centrale européenne du 20 septembre 2017 sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales et modifiant les règlements (UE) n° 1095/2010, (UE) n° 648/2012 et (UE) 2015/2365 (CON/2017/38)

JO C 372 du 1.11.2017, p. 6–16 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

1.11.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 372/6


AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

du 20 septembre 2017

sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales et modifiant les règlements (UE) no 1095/2010, (UE) no 648/2012 et (UE) 2015/2365

(CON/2017/38)

(2017/C 372/05)

Introduction et fondement juridique

Le 7 et le 24 février 2017, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu des demandes de consultation de la part du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen portant sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales et modifiant les règlements (UE) no 1095/2010, (UE) no 648/2012 et (UE) 2015/2365 (1) (ci-après le «règlement proposé»).

La BCE a compétence pour émettre un avis en vertu de l’article 127, paragraphe 4, et de l’article 282, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne étant donné que le règlement proposé contient des dispositions ayant une incidence sur les missions fondamentales du Système européen de banques centrales (SEBC) consistant à définir et mettre en œuvre la politique monétaire et à promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement, telles que visées à l’article 127, paragraphe 2, premier et quatrième tirets du traité et sur la mission du SEBC consistant à contribuer à la bonne conduite des politiques en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la stabilité du système financier, telle que visée à l’article 127, paragraphe 5, du traité. Conformément à l’article 17.5, première phrase, du règlement intérieur de la Banque centrale européenne, le présent avis a été adopté par le conseil des gouverneurs.

1.   Observations générales

1.1.

La BCE soutient résolument l’initiative de la Commission de créer un cadre de l’Union consacré au redressement et à la résolution des contreparties centrales qui fasse partie intégrante du cadre législatif de l’Union applicable aux marchés financiers, les contreparties centrales jouant un rôle crucial de gestionnaires des risques sur de nombreux segments de ces marchés. La continuité de leurs fonctions critiques est essentielle, tant pour la stabilité du système financier de l’Union que pour le mécanisme de transmission de la politique monétaire. La BCE souscrit pleinement au champ d’application du règlement proposé en ce qui concerne les mandats et pouvoirs des autorités de résolution, les plans de redressement et de résolution et les évaluations de la résolvabilité des contreparties centrales, les mesures d’intervention précoce, le déclenchement d’une procédure de résolution, les instruments et pouvoirs de résolution, y compris les instruments publics de stabilisation et les dispositions relatives aux pays tiers. La BCE approuve également l’idée générale du règlement proposé.

1.2.

Toutefois, la BCE estime que le règlement proposé pourrait être amélioré, notamment dans quatre domaines.

1.2.1.

Premièrement, étant donné le rôle essentiel joué par les participants à la compensation dans le redressement et la résolution des contreparties centrales, ces participants doivent être en mesure, aux termes du règlement proposé, d’évaluer de façon fiable leurs expositions potentielles et de les gérer. Par ailleurs, comme il est impossible de prévoir totalement les événements de marché, par nature peu plausibles, aboutissant au redressement et à la résolution de contreparties centrales, les autorités de résolution doivent disposer d’une souplesse suffisante pour concevoir leurs mesures. La BCE recommande que le règlement proposé équilibre mieux ces deux aspects: i) en donnant la priorité à des outils de répartition des pertes clairement mesurables en cas de redressement; ii) en encourageant les autorités de résolution à envisager l’ouverture d’une procédure de résolution lorsque les mesures visant à rétablir un livre parfaitement apparié et à répartir les pertes non couvertes entraîneraient des pertes considérables et imprévisibles pour les participants à la compensation; et iii) en conférant une plus grande transparence ex ante aux méthodes générales et procédures décisionnelles suivies par les autorités de résolution lorsqu’elles exercent leur pouvoir d’appréciation dans les domaines clés de la résolution. En principe, compte tenu de l’objectif général de maintien de la stabilité financière dans l’Union, les autorités de résolution devraient tenir dûment compte de la nécessité de minimiser les effets de contagion négatifs pour les participants aux contreparties centrales et le système financier au sens large.

1.2.2.

Deuxièmement, l’un des objectifs primordiaux de la résolution des contreparties centrales est de garantir la continuité de leurs fonctions critiques sans exposer le contribuable à des pertes. Il est donc crucial de prévoir des dispositifs solides afin de garantir la disponibilité de fonds suffisants du secteur privé, de répartir la totalité des pertes financières en cas de résolution et de reconstituer les ressources financières des contreparties centrales. En revanche, la possibilité d’un soutien du secteur public ne devrait être envisagée qu’en tout dernier ressort et en tant que mesure temporaire, afin d’éviter l’aléa moral et de créer des incitations à une gestion ex ante des risques. La BCE estime que les mesures de sauvegarde prévues dans le règlement proposé doivent être renforcées de la manière suivante: a) lors de la planification de la résolution et des évaluations de la résolvabilité, les autorités de résolution devraient évaluer soigneusement la taille et la crédibilité des dispositifs de financement de la résolution de la contrepartie centrale, en accordant une attention particulière aux scénarios prévoyant des événements allant au-delà des événements «extrêmes mais plausibles» et en recourant à une méthode fondée sur des critères communs; b) l’utilisation potentielle d’instruments publics de stabilisation en dernier ressort devrait être combinée avec des dispositifs complets et crédibles pour recouvrer rapidement les fonds fournis temporairement; et c) lorsque le principe selon lequel «aucun créancier ne peut être plus mal traité» est appliqué afin qu’aucun participant à la compensation ni aucun actionnaire ou créancier de la contrepartie centrale n’encoure des pertes plus importantes du fait de la résolution que celles qu’il aurait subies dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, il conviendrait d’appliquer des hypothèses réalistes concernant la valeur de la continuité des activités préservées grâce à la résolution.

1.2.3.

Troisièmement, les dispositifs individuels de redressement et de résolution des contreparties centrales devraient être complétés par une coopération horizontale de manière à garantir leur cohérence et une interaction effective:

Le redressement et la résolution des contreparties centrales engendrent d’importants effets externes en termes de risque, non seulement pour chaque contrepartie centrale vis-à-vis de ses parties directement intéressées (une réalité prise en compte par la participation des collèges d’autorités aux fins de la planification du redressement, de la planification de la résolution et des évaluations de la résolvabilité), mais également pour toutes les contreparties centrales, y compris celles opérant dans d’autres juridictions, étant donné qu’elles dépendent d’un ensemble commun de groupes bancaires agissant en tant que principaux membres compensateurs et prestataires de services. De plus, les événements graves survenant sur les marchés du fait de la défaillance d’une contrepartie centrale en cas de résolution liée au défaut d’un membre pourraient affecter plusieurs contreparties centrales à la fois. Dans ce contexte, il pourrait s’avérer impossible de planifier de façon crédible un redressement et une résolution aptes à préserver la stabilité financière de l’Union si les efforts se concentraient uniquement sur des contreparties centrales considérées isolément; cette planification devrait être coordonnée pour l’ensemble des contreparties centrales de l’Union.

Il faut également avoir conscience de la corrélation étroite entre le redressement des contreparties centrales et leur résolution, étant donné que la planification du redressement fait partie intégrante de la planification de la résolution des contreparties centrales. De plus, la planification de la résolution peut avoir des incidences directes sur la planification du redressement via des mesures visant à lever d’éventuels obstacles à la résolvabilité. Les plans de redressement, ainsi que les accords contractuels y afférents passés entre les contreparties centrales et les participants à la compensation jouent également un rôle crucial dans la constatation qu’aucun créancier n’est plus mal traité, lors d’une résolution, qu’en cas de scénario alternatif, à savoir l’insolvabilité. Enfin, il est impossible de délimiter totalement à l’avance les frontières entre le redressement et la résolution. Dans ce contexte, la BCE considère qu’il faudrait confier à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) le soin de fournir un point de vue global sur la capacité de la compensation centrale de l’Union à résister à de possibles événements de marché d’ampleur systémique allant au-delà de conditions «extrêmes mais plausibles» et entraînant à la fois des scénarios de redressement et de résolution. Dans l’exercice de cette mission, l’AEMF devrait coopérer étroitement avec le SEBC, y compris la BCE dans le cadre de sa mission de surveillance prudentielle, et avec l’Autorité bancaire européenne (ABE), étant donné l’importance déterminante du redressement et de la résolution des contreparties centrales pour les banques centrales en tant que banques centrales d’émission et autorités de surveillance ainsi que pour les autorités de contrôle bancaire.

1.2.4.

Quatrièmement, compte tenu de la nature de plus en plus transfrontalière de la compensation centrale et du degré élevé de concurrence sur le marché, l’égalité des conditions de concurrence entre les contreparties centrales s’avère essentielle. Même si les contreparties centrales et les autorités de résolution devraient pouvoir disposer d’une marge de manœuvre et d’un pouvoir d’appréciation appropriés pour élaborer, respectivement, des plans individuels de redressement et des plans individuels de résolution conformes à leurs besoins et à leur situation propres, ces plans doivent être cohérents en termes d’exhaustivité et de rigueur des méthodes qu’ils intègrent. ils devraient donc respecter les normes internationales (2). En conséquence, la BCE suggère d’améliorer le règlement proposé en faisant davantage concorder le contenu des plans de redressement et de résolution et des évaluations de la résolvabilité concernant les contreparties centrales de l’Union avec les dispositions convenues ou en cours d’élaboration au niveau international.

1.3.

Le règlement proposé s’applique à l’ensemble des contreparties centrales de l’Union, qu’elles soient titulaires ou non d’un agrément bancaire. Bien que la BCE soit favorable à cette approche sur le principe, elle jugerait opportun, compte tenu des particularités des établissements de crédit, d’évaluer plus avant l’utilité de certaines précisions concernant l’application du règlement aux contreparties centrales titulaires d’un agrément bancaire, notamment au regard des problèmes que pourrait poser le traitement des dépôts des participants protégés par la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil (3) en cas de redressement ou de résolution de contreparties centrales.

1.4.

Le 13 juin 2017, la Commission européenne a publié une proposition de règlement modifiant à la fois le règlement (UE) no 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil (4) (le «règlement AEMF») et le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement et du Conseil (5) (le «règlement EMIR») en ce qui concerne les procédures et les autorités intervenant dans l’agrément et la surveillance des contreparties centrales établies dans l’Union, prévoyant notamment le renforcement du rôle de la banque centrale d’émission pour certains aspects de la surveillance des contreparties centrales et l’instauration d’une session exécutive CCP du conseil des autorités de surveillance de l’AEMF (6). La BCE souligne que le présent avis s’appuie sur le cadre législatif actuel de l’Union européenne et qu’il est sans préjudice de la position de la BCE sur d’éventuelles futures mesures visant à renforcer les fonctions et les responsabilités de la banque centrale d’émission en matière de surveillance prudentielle des contreparties centrales au niveau de l’Union. Cela étant, la BCE reconnaît que des modifications ciblées peuvent s’avérer nécessaires pour tenir compte du nouveau rôle de la session exécutive CCP au sein des collèges établis conformément au règlement EMIR et, ultérieurement, au sein des collèges d’autorités de résolution. En outre, elle est résolument favorable à ce que, lors de la finalisation du règlement proposé, la Commission, le Conseil et le Parlement européen évaluent soigneusement le rôle que la session exécutive CCP pourrait jouer pour favoriser la cohérence et l’interaction effective entre les plans de redressement et de résolution de l’ensemble des contreparties centrales et pour suivre et atténuer leurs incidences globales, en termes de risque, pour la stabilité financière de l’Union, conformément aux observations de la BCE figurant aux paragraphes 1.2.3 et 1.2.4.

2.   Observations spécifiques

2.1.   Participation des banques centrales au redressement et à la résolution

2.1.1.   Modalités de participation des banques centrales

La défaillance potentielle d’une contrepartie centrale implique d’importants risques financiers qui, s’ils ne sont pas gérés rapidement et efficacement, pourraient constituer une menace sérieuse pour des infrastructures des marchés financiers interdépendantes et les établissements financiers participant aux contreparties centrales ou leur fournissant des services, et pourrait finalement menacer la stabilité tant financière que monétaire. Par conséquent, l’existence de dispositifs appropriés de redressement et de résolution des contreparties centrales qui permettent d’éviter rapidement et efficacement ces risques présente un intérêt direct pour les missions des banques centrales consistant à définir et à mettre en œuvre la politique monétaire, à promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement, à contribuer à la stabilité financière et, le cas échéant, à exercer une surveillance prudentielle sur les établissements de crédit. De plus, les banques centrales devraient jouer un rôle prépondérant tant dans la conception que dans la mise en œuvre des stratégies de redressement et de résolution des contreparties centrales, en leur qualité: a) d’autorités de surveillance; b) de fournisseurs de services critiques de paiement et de règlement aux contreparties centrales; et c) de fournisseurs potentiels de liquidités aux contreparties centrales et aux principaux membres compensateurs, cet apport de liquidités étant laissé à l’appréciation des banques centrales concernées et effectué dans le respect des règles applicables.

La BCE souligne la nécessité pour l’AEMF de coopérer aux fins du règlement proposé, non seulement avec l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et l’ABE, mais aussi avec la BCE/le SEBC dans le cadre de l’accomplissement des missions du SEBC consistant à définir et à mettre en œuvre la politique monétaire et à promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement ainsi que des missions de la BCE relatives à la surveillance prudentielle des établissements de crédit (7). À cet égard, les banques centrales d’émission de l’Union européenne et les autorités responsables de la surveillance des contreparties centrales devraient intervenir dans la coopération horizontale concernant le redressement et la résolution des contreparties centrales de l’Union, comme expliqué au paragraphe 2.2, et dans l’élaboration des normes techniques de réglementation fixant les détails techniques des plans de résolution, des évaluations de la résolvabilité et du fonctionnement des collèges d’autorités de résolution, comme exposé aux paragraphes 2.2, 2.4 et 2.5.

2.1.2.   Modalités du vote au sein des collèges d’autorités de résolution

Conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement proposé, l’autorité de résolution doit établir, gérer et présider un collège d’autorités de résolution composé, entre autres, des banques centrales d’émission des monnaies de l’Union les plus pertinentes à l’égard des instruments financiers compensés (8) et des autorités compétentes responsables de la surveillance des membres compensateurs de la contrepartie centrale qui sont établis dans les trois États membres apportant globalement la plus grande contribution au fonds de défaillance de la contrepartie centrale (9).

Lorsque les banques centrales de l’Eurosystème, qui forment ensemble «la banque centrale d’émission» de l’euro, sont représentées par la BCE ou par une banque centrale nationale (BCN) et que la surveillance prudentielle d’établissements de crédit qui sont des membres compensateurs importants de contreparties centrales est exercée par la BCE, ces deux fonctions devraient conférer des droits de vote séparés. Comme la BCE l’a déjà souligné (10), ces deux fonctions sont distinctes et poursuivent des objectifs différents, comme l’illustre la séparation opérationnelle entre la mission de conduite de la politique monétaire de la BCE et sa mission de surveillance prudentielle.

2.1.3.   Les banques centrales dans leur fonction de participants à la compensation

Le règlement proposé (11) établit des règles et des procédures en ce qui concerne le redressement et la résolution des contreparties centrales agréées au titre du règlement (UE) no 648/2012. Par voie de conséquence, ses dispositions s’appliquent non seulement aux contreparties centrales, mais aussi aux participants à la compensation des contreparties centrales, c’est-à-dire aux membres compensateurs et aux clients (12). Dans le cadre de leurs activités en vertu du traité et de la législation nationale, les membres du SEBC peuvent agir à la fois en qualité de membres compensateurs et en qualité de clients. Dans l’hypothèse où les autorités de résolution décideraient, à leur guise, d’activer les instruments de répartition des positions et des pertes en vertu du règlement proposé, cela signifierait que les banques centrales agissant en qualité de membres compensateurs ou de clients des contreparties centrales dans le cadre de leurs opérations statutaires contribueraient au partage des pertes financières. De telles pertes risqueraient alors d’affaiblir la situation bilancielle d’une banque centrale et de compromettre sa réputation. De surcroît, le cadre proposé devrait tenir compte des caractéristiques particulières des banques centrales en tant que participants à la compensation des contreparties centrales, tout en gardant à l’esprit la cause profonde de la défaillance potentielle d’une contrepartie centrale, à savoir le défaut d’un ou de plusieurs de ses membres compensateurs. Les banques centrales se différencient des autres participants à la compensation des contreparties centrales du fait qu’elles sont par définition solvables et qu’elles ne sont pas sujettes à des défaillances, en raison de leur statut particulier, qui est lié au caractère de droit public de leur mission. Étant donné les faibles risques que présentent les banques centrales en tant que participants à la compensation des contreparties centrales, certaines contreparties centrales permettront l’admission de banques centrales en tant que membres compensateurs à des conditions particulières. Par conséquent, il est difficile d’accepter que des participants à la compensation des contreparties centrales tels que des banques centrales, qui ne posent aucun risque pour les contreparties centrales auxquelles elles participent, aient à supporter les coûts liés à la défaillance de ces contreparties centrales, y compris dans un scénario de résolution. Enfin, en termes de cohérence avec les objectifs du règlement proposé, il importe d’éviter de créer des problèmes d’aléa moral ou des perceptions erronées du rôle des banques centrales. Une augmentation des expositions des membres du SEBC à l’égard d’une contrepartie centrale défaillante irait à l’encontre du principe sous-jacent au règlement proposé, qui est d’empêcher le recours à l’argent public pour éviter la défaillance d’une contrepartie centrale. En conséquence, la BCE propose que les membres du SEBC soient exemptés des instruments de répartition des positions et des pertes définis aux articles 28 à 31 du règlement proposé lorsqu’ils agissent en qualité de participants à la compensation d’une contrepartie centrale.

2.1.4.   Les banques centrales dans leur fonction d’autorités de résolution

Le règlement proposé prévoit la possibilité de désigner les BCN comme autorités de résolution des contreparties centrales (13). Par ailleurs, les BCN ont pour mission statutaire de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement, de contribuer à la bonne conduite des politiques liées à la stabilité du système financier et de fournir une expertise pertinente en matière d’infrastructures des marchés financiers. Malgré ce rôle inscrit dans les statuts, lorsqu’en vertu du règlement proposé, un État membre désigne une BCN comme l’autorité de résolution des contreparties centrales, il conviendrait que la BCE examine les détails de la mission qu’il est envisagé de confier à la BCN à la lumière de l’interdiction du financement monétaire posée à l’article 123 du traité (14).

De surcroît, bien que, selon le règlement proposé, une BCN (en sa qualité d’autorité de résolution) puisse être propriétaire, entièrement ou partiellement, d’une contrepartie centrale-relais (15), elle ne peut assumer ou financer aucune des obligations de cette dernière. Le rôle de la BCN en tant que propriétaire d’une telle entité doit, en toutes circonstances, rester conforme à l’interdiction de financement monétaire prévue à l’article 123, et la BCN doit exercer ce rôle sans que son indépendance financière et institutionnelle n’en soit affectée (16). Dans le même ordre d’idées, la BCE souligne que, conformément à l’article 123 du traité, qui interdit, entre autres, tout financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers, les BCN ne sont pas autorisées à financer l’un quelconque des dispositifs de financement supplémentaires (17) jugés nécessaires pour garantir l’utilisation efficace des instruments de résolution (18). Cela est sans préjudice de la compétence dont disposent les banques centrales pour décider, de façon indépendante et discrétionnaire, séparément de leur éventuelle fonction d’autorité de résolution, de fournir des liquidités à des entités solvables dans le respect des règles applicables et des limites qu’impose l’interdiction de financement monétaire en vertu du traité.

2.2.   Collèges prévus par le règlement EMIR, collèges d’autorités de résolution et comité de résolution de l’AEMF

La BCE est favorable au cadre général de fonctionnement des collèges prévus par le règlement EMIR et des collèges d’autorités de résolution aux fins de la coopération relative à la planification du redressement, à la planification de la résolution, aux évaluations de la résolvabilité et à la résolution. Cependant, compte tenu de la nécessité d’une participation effective des banques centrales et des autorités de contrôle bancaires, tant au niveau de la conception qu’à celui de l’exécution des stratégies de redressement et de résolution des contreparties centrales, la BCE recommande que les normes techniques de réglementation précisant le fonctionnement des collèges d’autorités de résolution soient élaborées en étroite coopération avec le SEBC, y compris avec la BCE dans le cadre de ses missions de surveillance prudentielle, ainsi qu’avec l’ABE.

De plus, comme l’indique le paragraphe 1.2.3, les dispositifs prévus pour les collèges au niveau de chaque contrepartie centrale devraient être complétés par une structure horizontale afin de tenir compte des dispositifs de redressement et de résolution de l’ensemble des contreparties centrales au sein de l’Union. Pour favoriser des approches cohérentes et l’interaction efficace des dispositifs de redressement et de résolution dans les différentes contreparties centrales de l’Union, l’AEMF devrait évaluer les dispositifs de redressement et de résolution au regard de leur effet global sur la stabilité financière de l’Union, en procédant régulièrement à des tests de résistance et des exercices de simulation de crise relatifs à d’éventuelles situations de crise d’ampleur systémique. Une évaluation combinée de l’incidence des dispositifs de redressement et de résolution se justifie par les particularités du processus de redressement et de résolution des contreparties centrales. Contrairement aux dispositifs mis en place pour les banques, le processus de résolution de contreparties centrales s’appuie, dans toute la mesure du possible, sur le processus de redressement. Dans le règlement proposé, les autorités de résolution sont tenues, sous réserve de certaines dérogations, de faire exécuter les obligations contractuelles existantes ou en cours avant d’utiliser des instruments de résolution (19). De plus, lorsqu’en raison d’un écart par rapport aux règles de fonctionnement d’une contrepartie centrale, au cours d’une résolution, ses membres compensateurs sont moins bien traités que s’ils avaient été mis en liquidation, ils auront droit à une indemnisation (20).

Contrairement aux banques, les contreparties centrales ne prennent pas elles-mêmes de risque financier mais le gèrent pour le compte de leurs membres compensateurs, alors que les instruments de répartition des pertes et des positions reposent essentiellement sur les membres compensateurs d’une contrepartie centrale. En conséquence, les autorités de surveillance et de résolution des contreparties centrales et les autorités de contrôle bancaire devraient étroitement coopérer, lors de la planification du redressement et de la résolution, afin de garantir que les banques se préparent bien aux obligations y afférentes et gèrent ces dernières de façon appropriée, ce qui réduirait également le risque que le redressement et la résolution de contreparties centrales aient des effets de contagion négatifs dans l’ensemble du système financier. De même, une étroite coordination est nécessaire avec les banques centrales dans leurs fonctions de banques centrales d’émission et d’autorités de surveillance, comme exposé au paragraphe 2.1.1. Par conséquent, dans l’exercice de ses missions horizontales relatives à la planification du redressement et de la résolution, l’AEMF devrait coopérer avec le SEBC et les autorités de contrôle bancaire, y compris avec la BCE dans l’exercice de ses missions de surveillance prudentielle. Dans cette optique, le règlement proposé devrait inclure, d’une manière plus générale, une obligation pour l’AEMF de coopérer avec le SEBC.

Enfin, après l’achèvement de l’examen actuel de la législation de l’Union relative à la surveillance prudentielle des contreparties centrales, entrepris à la suite de la proposition de la Commission du 13 juin 2017, il se peut que la BCE doive revoir sa position concernant l’autorité à laquelle devrait incomber l’évaluation horizontale des dispositifs de redressement et de résolution des contreparties centrales.

2.3.   Planification du redressement

2.3.1.   Contenu des plans de redressement

Le contenu des plans de redressement, aux termes du règlement proposé, nécessite des précisions complémentaires. En particulier, le principal objectif de la planification du redressement devrait être expressément précisé en ce qui concerne la garantie de la disponibilité d’un ensemble complet et efficace d’instruments de redressement, en permettant à une contrepartie centrale de répartir toute perte non couverte et de couvrir les pénuries de liquidités, de traiter les positions non équilibrées et de reconstituer ses ressources financières, y compris son capital propre, de sorte qu’elle puisse continuer à fournir les services critiques.

Dans la suite logique des dispositions du règlement proposé relatives au contenu des plans de résolution (21), les contreparties centrales devraient, au minimum, être tenues d’opérer une distinction, y compris dans leurs plans de redressement, entre les scénarios de crise potentiels dus au défaut d’un membre compensateur et ceux imputables à d’autres causes, et de prendre en considération une combinaison de ces scénarios de redressement et d’événements potentiels d’ampleur systémique. S’agissant des pertes résultant d’une défaillance, il importera de s’assurer que les scénarios envisagés correspondent à des situations suffisamment graves; par conséquent, les contreparties centrales devraient être tenues de prendre en compte la défaillance potentielle de plus de deux de leurs membres compensateurs les plus importants. S’agissant des pertes ne résultant pas d’une défaillance, les contreparties centrales devraient, conformément au rapport sur le redressement adopté en 2017 par le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché (CPIM) et l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) (22), être expressément tenues de prendre en considération les pertes d’investissement, les pertes liées à l’activité générale et, le cas échéant, les risques associés à l’incapacité d’un tiers à assurer une fonction critique pour la contrepartie centrale.

De plus, conformément aux exigences du règlement proposé en ce qui concerne les plans de résolution (23), il devrait être expressément précisé que les plans de redressement doivent non seulement s’abstenir de tabler sur un soutien financier public exceptionnel, mais également de tabler sur un apport urgent de liquidités par une banque centrale ou sur un apport de liquidités par une banque centrale à des conditions non conventionnelles en termes de constitution de garantie, d’échéance et de taux d’intérêt.

Compte tenu de leur caractère essentiel, les exigences relatives aux plans de redressement qui imposent de tenir compte des intérêts de l’ensemble des parties prenantes susceptibles d’être concernées par le plan et de veiller à ce que les membres compensateurs n’aient pas d’expositions illimitées à l’égard de la contrepartie centrale, actuellement insérées dans l’annexe, devraient être déplacées et intégrées dans le corps du texte du règlement proposé.

Enfin, il convient de préciser l’ordre des outils de répartition des pertes prévus dans les plans de redressement. Comme il est essentiel que les participants à la compensation soient capables de mesurer, de gérer et de contrôler, dans toute la mesure possible, leurs expositions potentielles lors d’un redressement, il convient de privilégier des outils entièrement quantifiables ex ante (tels que des appels de liquidités plafonnés) plutôt que des outils de répartition des pertes pour lesquels les montants finaux en jeu dépendront largement des évolutions des marchés et des positions détenues à une date future, incertaine au moment de l’engagement de la procédure de redressement.

2.3.2.   Évaluation des plans de redressement

La BCE se félicite que l’autorité de résolution se voie confier l’examen du plan de redressement afin d’y repérer toute mesure susceptible d’avoir une incidence négative sur la résolvabilité de la contrepartie centrale, ainsi que la formulation de recommandations sur ces questions à l’intention des autorités compétentes (24). C’est une garantie essentielle étant donné que les plans de redressement des contreparties centrales sont considérés comme le point de départ de la résolution d’une contrepartie centrale. Pour garantir que cette disposition fonctionne effectivement, la BCE recommande de préciser que l’autorité de résolution peut procéder à cet examen non seulement dans le contexte de l’approbation initiale du plan de redressement, mais également à un stade ultérieur, lorsqu’elle conduit son évaluation de la résolvabilité de la contrepartie centrale ou la met à jour. Ce point est important car il est probable que les autorités de résolution ne réaliseront leur planification de la résolution et leurs évaluations de la résolvabilité qu’après la finalisation du plan de redressement des contreparties centrales.

2.3.3.   Procédure de coordination applicable aux plans de redressement

La BCE considère que la procédure de vote concernant les plans de redressement, à suivre par les collèges établis en vertu du règlement (UE) no 648/2012 (25), devrait être conforme à la procédure prévue pour les avis des collèges à l’article 17, paragraphe 4, et à l’article 19 de ce règlement. Afin d’encourager le collège à statuer rapidement et à réduire le besoin d’une médiation par l’AEMF pour parvenir à un avis, il serait probablement plus efficace de préciser qu’il faut obtenir une majorité des deux tiers pour déclencher la médiation de l’AEMF si la décision n’est pas adoptée à l’unanimité par le collège dans un délai prédéfini (26). De plus, cette méthode renforcerait la participation de l’ensemble des autorités compétentes susceptibles d’être concernées par la décision du collège.

2.4.   Planification de la résolution

2.4.1.   Contenu des plans de résolution

Conformément aux suggestions de la BCE concernant le contenu des plans de redressement exposées au paragraphe 2.3.1, la BCE considère que les plans de résolution devraient différencier davantage les scénarios de défaillance qui ne sont pas liés au défaut d’un membre compensateur (27). De même, pour garantir l’adéquation des plans de résolution à l’ensemble des scénarios allant au-delà de «conditions extrêmes mais plausibles», le plan de résolution devrait, en ce qui concerne les scénarios de défaillance liés à un défaut, prendre en considération non seulement le défaut d’un ou de plusieurs des membres compensateurs de la contrepartie centrale (28), mais aussi celui des trois membres compensateurs à l’égard desquels la contrepartie centrale détient les plus fortes expositions, au minimum, sachant que les contreparties centrales sont déjà tenues, en vertu du règlement (UE) no 648/2012, de disposer des ressources financières suffisantes pour résister à la défaillance potentielle des deux membres compensateurs vis-à-vis desquels elles présentent les plus fortes expositions.

La BCE est favorable à l’exigence selon laquelle un plan de résolution ne doit pas tabler sur un soutien financier public exceptionnel, un apport urgent de liquidités par une banque centrale ou un apport de liquidités par une banque centrale à des conditions non conventionnelles en termes de constitution de garantie, d’échéance et de taux d’intérêt (29). Cependant, étant donné l’importance de prévenir des pertes potentielles pour le contribuable en cas de résolution, la BCE recommande que le règlement proposé exige également, de manière expresse, que l’autorité de résolution formule des hypothèses prudentes concernant les ressources financières éventuellement nécessaires pour atteindre les objectifs de la résolution et les ressources qui, selon elle, devraient être disponibles conformément aux règles et aux dispositifs de la contrepartie centrale au moment de l’ouverture de la procédure de résolution.

Pour garantir une meilleure cohérence entre les aspects essentiels du plan de résolution (30) et les normes internationales, la BCE recommande d’ajouter les points suivants au contenu minimal des plans de résolution.

Une estimation du calendrier de reconstitution des ressources financières de la contrepartie centrale (c’est-à-dire fonds de défaillance et fonds propres réglementaires).

Une description de la méthode générale et des procédures décisionnelles suivies par l’autorité de résolution dans les domaines clés de la résolution, dans le but de favoriser la planification ainsi que la transparence envers les parties intéressées en ce qui concerne les mesures de résolution futures (31). Celle-ci devrait comprendre: a) l’approche envisagée par l’autorité de résolution pour déclencher la résolution, y compris les indicateurs clés qui influenceraient sa décision de mise en résolution ou non de la contrepartie centrale dans différents types de scénarios de résolution liés à une défaillance ou à une autre cause; et b) si l’autorité de résolution doit s’écarter des règles et dispositifs de la contrepartie centrale, l’approche générale qu’elle compterait suivre lors du calcul et de la répartition des pertes, notamment son choix présumé des différents instruments de répartition des pertes et l’ordre dans lequel ils seraient employés, ainsi que la manière dont elle compterait appliquer la mesure de sauvegarde selon laquelle «aucun créancier ne peut être plus mal traité» qu’en cas de procédure d’insolvabilité et dont elle compterait évaluer les pertes, à cette fin, dans un scénario contrefactuel.

Une description des dispositifs de partage des informations au sein du collège de résolution pendant la résolution (32).

La BCE se félicite que le règlement proposé prévoie l’élaboration de normes techniques de réglementation pour les détails techniques des plans de résolution (33). Toutefois, la BCE souligne que ces normes techniques de réglementation devraient être élaborées en étroite coopération avec le SEBC, y compris la BCE lors de l’exercice de ses missions de surveillance prudentielle, ainsi qu’avec l’ABE. La participation du SEBC est particulièrement importante étant donné le rôle clé que jouent les banques centrales d’émission en facilitant l’accès continu aux services de paiement et de règlement critiques et en fournissant des liquidités conformément à leurs mandats respectifs.

2.4.2.   Procédure de coordination applicable aux plans de résolution

Conformément aux suggestions de la BCE relatives à la procédure de coordination des plans de redressement exposées au paragraphe 2.3.3, la BCE considère que la procédure de vote à suivre par le collège d’autorités de résolution concernant les plans de résolution (34) devrait être conforme à la procédure prévue à l’article 17, paragraphe 4, et à l’article 19 du règlement (UE) no 648/2012.

2.5.   Résolvabilité

2.5.1.   Contenu des évaluations de résolvabilité

La BCE estime que les aspects techniques à considérer par l’autorité de résolution lorsqu’elle évalue la résolvabilité d’une contrepartie centrale devraient être définis dans les normes techniques de réglementation et non pas en annexe du règlement proposé (35). Ces normes techniques de réglementation devraient être élaborées en étroite coopération avec le SEBC, y compris la BCE lors de l’exercice de ses missions de surveillance prudentielle, ainsi qu’avec l’ABE.

La BCE est favorable au pouvoir conféré à l’autorité de résolution d’exiger d’une contrepartie centrale qu’elle mette de côté des ressources afin d’accroître sa capacité à absorber les pertes, à se recapitaliser et à reconstituer les ressources préfinancées, dans le cas où les fonds disponibles pour le financement de la résolution seraient jugés insuffisants (36). Pour donner effet à ce pouvoir, les normes techniques de réglementation relatives à l’évaluation de la résolvabilité devraient préciser les critères minimaux à prendre en considération par les autorités de résolution lorsqu’elles évaluent l’adéquation du financement de la résolution d’une contrepartie centrale. Cet aspect n’est pas couvert actuellement dans le règlement proposé (37). L’autorité de résolution devrait au moins tenir compte des éléments suivants (38):

dans le cas des scénarios de résolution liés à une défaillance: a) les caractéristiques de risque, la complexité des produits compensés et les incertitudes relatives à leur valorisation, ainsi que la possible marge d’erreur correspondante lors des calculs de la marge initiale et de la marge de variation; b) la taille, la structure et la liquidité du marché sous-jacent en situation de crise; c) le nombre de défaillances de membres compensateurs, qui, dans des «conditions extrêmes mais plausibles», seraient couvertes par les ressources disponibles préfinancées et allouées; d) la disponibilité et l’incidence potentielle, sur les participants à la compensation concernés, d’instruments tels que l’annulation partielle de contrats et l’application d’une décote aux gains sur les marges de variation; et e) la crédibilité des dispositifs non financés en termes de couverture des besoins potentiels des contreparties centrales,

de plus, et pour tous types de perte, la substituabilité de la contrepartie centrale sur les marchés qu’elle dessert, ainsi que la crédibilité des éventuels dispositifs complémentaires, comme des contrats d’assurance ou des garanties de la société mère, permettant de faire face aux pertes de crédit non couvertes.

Par ailleurs, étant donné qu’une contrepartie centrale pourrait avoir du mal à concilier son rôle de gestionnaires de risques, ainsi que le modèle d’entreprise correspondant, avec l’une quelconque des exigences, imposées par une autorité de résolution conformément à l’article 17, paragraphe 7, point l), d’émettre des engagements utilisables pour un renflouement interne en tant qu’instruments d’absorption des pertes, il conviendrait de réaliser une analyse d’impact approfondie avant de recourir à ce pouvoir.

Enfin, lors de la rédaction des normes techniques de réglementation concernant l’évaluation de la résolvabilité, l’AEMF devrait tenir compte des évaluations ou des rapports que le Conseil de stabilité financière (CSF) publiera prochainement sur les ressources financières destinées à la résolution d’une contrepartie centrale (39).

2.5.2.   Procédure de coordination applicable aux évaluations de résolvabilité

Conformément aux suggestions, relatives à la procédure de coordination applicable aux plans de redressement et de résolution, exposées par la BCE aux paragraphes 2.3.3 et 2.4.2, cette dernière considère que la procédure de vote à suivre par le collège d’autorités de résolution pour l’évaluation de la résolvabilité (40) devrait être conforme à la procédure prévue à l’article 17, paragraphe 4, et à l’article 19 du règlement (UE) no 648/2012.

2.6.   Résolution

2.6.1.   Objectifs de la résolution

La BCE considère que l’objectif de la résolution consistant à protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel (41) devrait être étendu et inclure une référence expresse à la minimisation du risque de pertes potentielles pour le contribuable, du fait que les dispositifs temporaires de financement public pourraient revêtir différentes formes, en termes de garanties, afin de réduire les risques potentiels pour les contribuables.

2.6.2.   Conditions de déclenchement d’une procédure de résolution

Comme il est très difficile de déterminer ex ante la frontière entre le redressement et la résolution et que l’ouverture d’une procédure de résolution en temps opportun est indispensable pour garantir une résolution efficace et éviter toute destruction inutile de valeur économique, il est essentiel que les autorités compétentes et les autorités de résolution coopèrent étroitement lors de la préparation de la résolution. Par conséquent, la BCE estime que l’autorité compétente devrait fournir à l’autorité de résolution, sans délai et à son initiative, toute information indicative d’une défaillance avérée ou prévisible de la contrepartie centrale, et qu’elle ne devrait pas se borner à répondre aux demandes d’informations émanant de l’autorité de résolution (42).

En outre, eu égard à l’objectif de maintien de la stabilité systémique, l’une des priorités, lors du redressement et de la résolution de contreparties centrales, consiste à éviter des pertes imprévisibles et importantes pour les membres compensateurs des contreparties centrales. Le redressement et la résolution de contreparties centrales ne seront pas efficaces s’ils présupposent, pour l’essentiel, que les membres compensateurs seront à même d’assumer d’importantes obligations de paiement. La défaillance éventuelle d’autres membres compensateurs, due à leur incapacité à gérer des expositions soudaines, pourrait également exacerber les tensions existantes au sein du système financier, notamment en raison de l’interdépendance des contreparties centrales. Par conséquent, il serait préférable que ce soit l’autorité de résolution, et non la contrepartie centrale elle-même, qui mette en œuvre les outils de répartition des pertes engendrant des coûts considérables et imprévisibles pour les membres compensateurs. En effet, l’autorité de résolution est probablement mieux placée que la contrepartie centrale pour prendre en considération les conséquences d’un mode d’action donné sur la stabilité financière. Dans cet esprit, la BCE recommande de préciser, dans le règlement proposé, que l’autorité de résolution est habilitée à engager une procédure de résolution dans les cas où la contrepartie centrale: a) n’est pas ou ne sera probablement pas capable de rétablir un livre parfaitement apparié et de répartir les pertes non couvertes; ou b) sera uniquement capable de rétablir un livre parfaitement apparié et de répartir les pertes non couvertes en prenant des mesures de redressement susceptibles d’engendrer des pertes importantes et imprévisibles pour les membres compensateurs des contreparties centrales.

2.6.3.   Instruments de résolution

Afin d’éviter l’aléa moral et de minimiser les pertes potentielles pour les contribuables, l’utilisation d’instruments publics de stabilisation (43) devrait non seulement être conditionnée à une approbation en vertu des règles de l’Union en matière d’aides d’État (44), mais aussi dépendre de mécanismes fiables permettant le recouvrement complet et rapide des ressources fournies.

En ce qui concerne les instruments de répartition des positions, la BCE considère qu’il convient de privilégier en principe l’annulation partielle à l’annulation totale, compte tenu de l’objectif clé de la résolution consistant à préserver la continuité des fonctions critiques d’une contrepartie centrale. Elle recommande par conséquent de réserver l’annulation totale aux situations dans lesquelles l’autorité de résolution considère qu’aucune autre option n’aboutirait à un meilleur résultat pour la stabilité financière.

2.6.4.   Financement de la résolution

Compte tenu de l’objectif clé du règlement proposé consistant à éviter des pertes aux contribuables lors de la résolution de contreparties centrales, la BCE estime que les dispositions relatives aux instruments publics de stabilisation ne précisent pas suffisamment les garanties nécessaires. Au minimum, et conformément aux recommandations internationales du CSF (45), le règlement proposé devrait inclure dans les conditions d’utilisation d’instruments publics de stabilisation en tant que dernier recours, l’obligation pour les autorités de résolution: a) de définir un calendrier précis pour le recouvrement de toutes les ressources fournies; et b) de veiller à la mise en place de dispositifs efficaces et fiables pour le recouvrement de ces ressources. Dans le même ordre d’idées, la BCE estime qu’il convient d’élargir le recouvrement des dépenses exposées dans le cadre de l’utilisation des instruments publics de stabilisation (46). La BCE est favorable à la proposition existante, selon laquelle les dépenses devraient être recouvrées en premier lieu auprès de la contrepartie centrale soumise à une procédure de résolution, auprès de son acquéreur ou à partir du produit résultant de la cessation des activités d’une contrepartie centrale-relais. Cependant, il se peut que ces sources ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des dépenses exposées. Par conséquent, les autorités de résolution devraient être également tenues de chercher à recouvrer ex post les fonds publics auprès des membres compensateurs conformément aux règles et dispositions des contreparties centrales, tout en limitant les risques pour la stabilité financière.

2.7.   Principe selon lequel «aucun créancier ne peut être plus mal traité» qu’en cas de procédure d’insolvabilité

Le principe selon lequel «aucun créancier ne peut être plus mal traité» qu’en cas de procédure d’insolvabilité est une mesure de sauvegarde essentielle, visant à garantir que les participants à une contrepartie centrale, les actionnaires et les autres créanciers ne soient pas traités moins favorablement en cas de résolution que dans l’hypothèse où l’autorité de résolution ne serait pas intervenue et où la contrepartie centrale aurait été liquidée conformément au droit de l’insolvabilité en vigueur. Cependant, pour éviter des demandes d’indemnisation excessives de la part des parties intéressées concernées, il est important que la méthode de valorisation sous-jacente à l’application de ce principe reflète fidèlement la juste valeur des activités poursuivies, préservées grâce à la résolution de la contrepartie centrale. Les risques pour le secteur public font ressortir la nécessité d’une approche juste et équitable à cet égard, la charge financière étant en définitive supportée par les contribuables. Une prise en compte adéquate de la juste valeur des activités poursuivies, préservées grâce à la résolution de la contrepartie centrale, constitue un aspect essentiel lors de la résolution d’une contrepartie centrale, qui serait uniquement envisagée en cas d’événements de marché exceptionnellement graves, lors desquels la perturbation des fonctions critiques de la contrepartie centrale s’accompagnerait très probablement d’une destruction massive de valeur financière et de possibilités très restreintes en termes de solutions de rechange à la compensation bilatérale.

Dans ce contexte, la BCE estime qu’une évaluation juste de la contrepartie centrale aux fins de l’application du principe selon lequel «aucun créancier ne peut être plus mal traité» devrait non seulement considérer les actifs et les passifs figurant au bilan de la contrepartie centrale lors du déclenchement de la résolution, mais aussi reposer sur une estimation plus complète et réaliste de la valeur de la contrepartie centrale en cas de liquidation, tenant pleinement compte des pertes, des coûts de remplacement et de la destruction de valeur qui résulteraient de l’arrêt des services ou de la liquidation de la contrepartie centrale.

2.8.   Observations techniques et propositions de rédaction

Lorsque la BCE recommande de modifier le règlement proposé, des suggestions de rédaction particulières, accompagnées d’une explication, figurent dans un document de travail technique séparé. Le document de travail technique est disponible en anglais sur le site internet de la BCE.

Fait à Francfort-sur-le-Main, le 20 septembre 2017.

Le président de la BCE

Mario DRAGHI


(1)  COM(2016) 856 final.

(2)  Pour les normes internationales relatives au redressement des infrastructures des marchés financiers, voir le rapport sur le redressement des infrastructures des marchés financiers (Recovery of financial market infrastructures – Revised Report) publié en 2017 par le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché (CPIM) de la Banque des règlements internationaux (BRI) et l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), disponible (en anglais seulement) sur le site internet de la Banque des règlements internationaux (BRI) à l’adresse suivante: www.bis.org. Pour les normes internationales relatives à la résolution des infrastructures des marchés financiers, voir les recommandations du Conseil de stabilité financière (CSF) figurant à l’annexe 1 de l’appendice II, intitulée Resolution of FMIs and FMI Participants («Résolution d’infrastructures des marchés financiers (IMF) et de participants aux IMF»), du document intitulé Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions («Caractéristiques essentielles des régimes performants de résolution des établissements financiers» (2014)], disponible sur le site internet du Conseil de stabilité financière à l’adresse suivante: www.fsb.org. Le CSF a publié, en juillet 2017, des recommandations plus détaillées relatives à la résolution des contreparties centrales et à la planification de la résolution dans le document intitulé Guidance on Central Counterparty Resolution and Resolution Planning, également disponible sur le site internet du CSF.

(3)  Directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO L 173 du 12.6.2014, p. 149).

(4)  Règlement (UE) no 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/77/CE de la Commission (JO L 331 du 15.12.2010, p. 84).

(5)  Règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (JO L 201 du 27.7.2012, p. 1).

(6)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers) et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne les procédures d’agrément des contreparties centrales et les autorités qui y participent, ainsi que les conditions de reconnaissance des contreparties centrales des pays tiers, COM(2017) 331 final.

(7)  Voir le règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO L 287 du 29.10.2013, p. 63).

(8)  Voir l’article 4, paragraphe 2, point h), du règlement proposé.

(9)  Voir l’article 4, paragraphe 2, point c), du règlement proposé.

(10)  Voir la réponse de la BCE à la consultation de la Commission relative à la révision du règlement sur les infrastructures de marché européennes (EMIR), disponible sur le site internet de la BCE à l’adresse suivante: www.ecb.europa.eu

(11)  Voir l’article 1er du règlement proposé.

(12)  Voir l’article 2, point 17, du règlement proposé.

(13)  Voir l’article 3, paragraphe 1, du règlement proposé.

(14)  Voir les points 2.2 et 2.3 de l’avis CON/2017/2. Tous les avis de la BCE sont publiés sur son site internet à l’adresse suivante: www.ecb.europa.eu

(15)  Voir l’article 42, paragraphe 2, du règlement proposé.

(16)  Voir le point 3.3 de l’avis de la Banque centrale européenne du 29 novembre 2012 sur une proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement (CON/2012/99) (JO C 39 du 12.2.2013, p. 1).

(17)  Voir l’article 44 du règlement proposé.

(18)  Voir le point 3.4 de l’avis CON/2012/99.

(19)  Voir l’article 27, paragraphes 3 et 4, du règlement proposé.

(20)  Voir l’article 27, paragraphe 5, du règlement proposé.

(21)  Voir l’article 13, paragraphe 3, du règlement proposé.

(22)  Voir la note de bas de page 2.

(23)  Voir l’article 13, paragraphe 4, du règlement proposé.

(24)  Voir l’article 10, paragraphe 4, du règlement proposé.

(25)  Voir l’article 12, paragraphes 2 à 5, du règlement proposé.

(26)  Cela signifierait que si une majorité des deux tiers des membres du collège a exprimé un avis négatif sur le plan de redressement, toute autorité concernée pourrait renvoyer l’affaire à l’AEMF pour médiation.

(27)  Voir l’article 13, paragraphe 3, du règlement proposé.

(28)  Voir l’article 13, paragraphe 3, point a), i) du règlement proposé.

(29)  Voir l’article 13, paragraphe 4, du règlement proposé.

(30)  Voir l’article 13, paragraphe 6, du règlement proposé.

(31)  Voir la section 7.5, points i) et v) du document du CSF «Guidance on Central Counterparty Resolution and Resolution Planning».

(32)  Ibid., section 7.5, point xiii).

(33)  Voir l’article 13, paragraphe 8, du règlement proposé.

(34)  Voir l’article 15 du règlement proposé.

(35)  Voir l’article 16, paragraphe 4, du règlement proposé.

(36)  Voir l’article 17, paragraphe 7, point l), du règlement proposé.

(37)  Voir la section C de l’annexe du règlement proposé sur les aspects que l’autorité de résolution doit examiner lorsqu’elle évalue la résolvabilité d’une contrepartie centrale.

(38)  Voir la section 6 du document du CSF «Guidance on Central Counterparty Resolution and Resolution Planning».

(39)  Le CSF poursuivra son travail sur les ressources financières destinées à la résolution des contreparties centrales et, à partir de l’analyse approfondie réalisée et de l’expérience acquise lors de la planification de la résolution, déterminera d’ici fin 2018 s’il est nécessaire de formuler des recommandations supplémentaires. Voir l’introduction du rapport du document du CSF «Guidance on Central Counterparty Resolution and Resolution Planning».

(40)  Voir l’article 18 du règlement proposé.

(41)  Voir l’article 21, paragraphe 1, point d) du règlement proposé.

(42)  Voir l’article 22, paragraphe 1, du règlement proposé.

(43)  Voir l’article 27 du règlement proposé.

(44)  Celui-ci s’entend, conformément à la définition de l’article 2, paragraphe 1, point (53), de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO L 173 du 12.6.2014, p. 190), comme «le cadre constitué par les articles 107, 108 et 109 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et par les règlements et tous les actes de l’Union, y compris les lignes directrices, les communications et les notes, rendus ou adoptés en vertu de l’article 108, paragraphe 4, ou de l’article 109 dudit traité».

(45)  Voir la section 6 du rapport du document du CSF «Guidance on Central Counterparty Resolution and Resolution Planning».

(46)  Voir l’article 27, paragraphe 9, du règlement proposé.


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